9 octobre 2023 - Mikaëla - Ateliers

À l’écoute du ruisseau enchanté >> une enquête à hauteur d’enfants

Au printemps 2023, le Tamis a mené des ateliers d’initiation à l’enquête anthropologique avec les élèves de la classe de CM1 d’Elissa Blin, de l’école Oddo, en prenant pour objet un petit fleuve côtier marseillais très altéré : le ruisseau des Aygalades. Si l’école est située en aval du cours d’eau, non loin de son embouchure artificialisée et invisibilisée, les enfants ont pris conscience de son existence en amont, après être montés dans le bus direction la Cité des arts de la rue, qui abrite le jardin de la cascade des Aygalades : leur terrain d’enquête.

Réalisés dans le cadre d’un projet d’éducation artistique et culturelle financé par l’académie d’Aix-Marseille, ces ateliers animés par Mikaëla Le Meur, Violeta Scioville et Salomé Delmotte (pour le Tamis) avec l’aide précieuse d’Elissa Blin, visaient à transmettre les méthodes de questionnement et d’enquête des sciences sociales aux enfants, tout en les faisant découvrir des œuvres du jardin de la cascade. Parce qu’il s’agissait de mêler art et écologie (ou bien culture et nature ?), nous avons choisi de construire l’enquête autour de la notion d’enchantement, une idée qui a guidé la rencontre des enfants avec les artistes du lieu ainsi que le collectif des Gammares, qui s’est donné pour mission de porter la voix du ruisseau et de le protéger.

Une ethnographie sonore et dessinée

Outre l’utilisation des précieux carnets de terrain des anthropologues, dédiés à la prise de note, nous avons mobilisé deux médiums supplémentaires : le dessin et le son. Ces deux techniques, adossées à celles de l’enquête ethnographique, ont servi d’outils d’ “éducation à l’attention” (une expression que nous empruntons à Tim Ingold, dont des textes importants aux yeux du Tamis ont été regroupés dans le livre L’anthropologie comme éducation). Le dessin et le son ont également permis d’ouvrir des voies d’expression pour les enfants, mobilisant d’autres sens, d’autres savoir-faire et savoir-être, dans ce contexte de nature urbaine à la fois foisonnante et fortement dégradée.

Les techniques graphiques et sonores ont aussi permis de proposer différentes formes de restitution pour rendre compte du travail d’enquête collective. La première est une fresque réalisée en classe – dont le fond coloré avait été conçu avec l’aide de Claire Favre-Taylaz, illustratrice du Tamis – sur laquelle les élèves ont été invité·es à représenter les choses et les êtres peuplant le ruisseau, depuis l’aval (où se situe l’école Oddo) jusqu’au jardin de la Cascade, en amont.

Sur ce paysage, les enfants ont réalisé des collages végétaux, ou à base pneus et de déchets, puis ont positionné des dessins les représentant eux-mêmes sur le terrain, entre explorations sensibles (déambulations les yeux bandés) et situations d’entretiens avec les interlocuteur·trices que nous avions préalablement contacté·es. À l’aide de bulles empruntées à la BD, les humains prennent aussi la parole, au milieu du ruisseau (dés)enchanté.

Enchanté·es ? Désenchanté·es ? C’est une affaire de point de vue !

De la fresque au podcast :

En plus de la fresque collective, réalisée en classe pour marquer la fin des ateliers, et montrée lors de la fête de l’école en juin 2023, un petit documentaire sonore d’une vingtaine de minutes permet de restituer le travail d’enquête des enfants. Il a été monté par Mikaëla Le Meur durant l’été qui a suivi les ateliers.

Les enfants avaient déjà eu l’occasion d’écouter une sélection de leurs rushes sonores durant la dernière séance en classe, pour se remémorer l’enquête de terrain, les moments de rires et le contenu des entretiens, dans le but de réaliser la fresque, qui constitue leur œuvre collective. Mais dans le format restreint des ateliers, nous n’avions pas le temps de les former “jusqu’au bout” à l’écriture sonore et au montage.

Ceci dit, dans le documentaire, presque tous les enregistrements mobilisés proviennent des exercices réalisés par les enfants sur le terrain, avec l’aide des animatrices et de leur maîtresse. Nous avions préparé une série de consignes précises pour faciliter ce travail d’enregistrement en vue d’obtenir une matière sonore de qualité suffisante. Chaque enfant a, tour à tour, joué le rôle de technicien·ne son – pointer le micro, manipuler les boutons, moduler le volume… –  et de chef·fe opérateur·trice – un rôle essentiel pour coordonner les situations de prise de son: “tout le monde est prêt ? action !”.

Beaucoup d’enfants ont aussi adoré s’exprimer au micro ou encore faire parler les pierres et le ruisseau. Les élèves se sont également interviewé·es mutuellement, ont réalisé des exercices de description in situ, avec leurs mots, pour faire exister le paysage qui se présentait à leurs yeux. Des interviews avec des adultes ont également été préparées en constituant des grilles d’entretien dédiées. Ces grilles, réalisées en classe par petits groupes, sont le fruit d’un travail de sélection des questions les plus pertinentes dans une grande liste collective, élaborée par les enfants avec l’aide des animatrices : Qu’est-ce qu’une bonne question ? Est-ce une question ouverte ? une question fermée ? une question factuelle ? une question d’opinion ? Et à qui la pose-t-on ?

Avec chaque grille d’entretien, le but était de faire parler nos interlocuteur·trices (de les écouter aussi !) et de répondre à notre grande question problématique, guidant l’enquête collective : Dans quelle mesure le ruisseau est-il enchanté ?

Voici l’image d’une grille d’entretien réalisée par un petit groupe en classe et annotée en vue de la situation d’entretien, sur le terrain (deuxième image) : chacun·e son rôle et un rôle pour chacun·e !

Après cette expérience pédagogique intense et joyeuse, contenue sur trois journées du mois de mai 2023, la fresque du ruisseau a été présentée publiquement lors de deux événements à la Cité des arts de la rue : Rendez-vous au Jardin (2-3 juin 2023), où nous avons eu la chance de voir quelques parents d’élèves de l’école, et la Fête du ruisseau, organisée par le collectif des Gammares le week end du 30 septembre et du 1er octobre 2023 (photo ci-dessous).

Quant au podcast, il continue sa vie, pour l’instant sur internet !

Le Tamis remercie mille fois Elissa Blin, Alain Arraez, Stéphane Manildo, Chloé Mazzani, Marine Torres, Fiona et Viviane Sieg, mais aussi et surtout les enfants, sans qui ce projet n’aurait pas eu lieu !

20 juin 2019 - L'équipe - Ateliers

Journée “Les femmes racontent leur(s) ville(s) – des Minguettes à Belsunce” – 14.06.2019

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Retour en images sur la journée de rencontre festive animée avec Le Tamis au centre social Velten (16 rue Bernard du Bois, 13001 Marseille), dans le cadre du projet de recherche doctorale en anthropologie de Julie Leblanc : “De l’invisibilité sociale des femmes immigrées âgées en France. Une comparaison Lyon-Marseille.”

Un très beau moment, amusant, joyeux et intelligent, durant lequel les histoires ont circulé, les imaginaires ont été stimulés et où nous avons pris le temps de réfléchir ensemble à notre ville idéale !

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16 septembre 2016 - Mikaëla - Ateliers

Nous nous attelons, vous vous ateliers, ils s’attelleront… de requin.

Si l’année 2016 du Tamis est placée sous le signe des Correspondances, il nous incombe en cette rentrée d’en relever quelques-unes qui jalonnent nos activités du passé, du présent et du futur. L’idée est simple  : il s’agit de saisir la plume pour relier des points esseulés dans nos mémoires individuelles et de voir, au fil du trait, ce que cela produira de joli dessein collectif. À nous donc de tisser notre récit associatif en reliant les expériences éparses, pourtant toutes portées, au fond, par la même intention : Ce qui nous meut.

correspondances et constellations

Vue d’artiste de la constellation de la Grande Ourse, l’une des constellations les plus connues de l’hémisphère nord. Sidney Hall – 1825

 

La cartographie imaginaire qu’il est question d’esquisser ici concerne la place du mot “atelier” dans notre langage commun et nos activités. Entendons-nous tout de suite, aujourd’hui, nous serons loin d’épuiser la réflexion sur le vaste sujet des ateliers, lui-même imbriqué dans une constellation de concepts tout aussi passionnants (et parfois effrayants) à penser comme la transmission, l’expérimentation, l’apprentissage, la connaissance, le savoir etc. Ce billet entend simplement pointer du doigt la prolifération du mot “atelier” dans notre langue et notre pratique associative, celui-ci recouvrant diverses expériences déjà vécues et encore à vivre. En mettant en correspondance les occurrences du mot “atelier”, nous n’aurons pas répondu à toutes les questions que ce terme soulève. Une partie d’entre elles pourront cependant être identifiées et l’exercice de cartographie aura, espérons-le, donné à voir en quelques touches de couleur ce qui nous plaît dans l’usage de ce mot et ce qu’il contient lorsque nous l’employons.

Grand inventaire des ateliers

Au Tamis, nous avons de nombreux ateliers, qui prennent des formes multiples. Il convient d’en détailler quelques- uns des plus marquants :

Les membres du Tamis se réunissent régulièrement lors d’Ateliers Tables Basses. Ces rencontres physiques et mentales, autour de tables pas toujours basses mais ô combien accueillantes, sont structurées par la lecture de textes des sciences humaines et sociales choisis pour leur capacité à éclairer  et orienter l’action collective. Chaque atelier est ouvert aux électrons gravitant autour du Tamis et il est animé par les référents du collège Sciences et Techniques de l’association dans l’optique de réfléchir aux projets menés à travers un regard à la fois distancié et impliqué. Les discussions se déroulant durant les Ateliers Tables Basses sont retranscrites et retravaillées pour produire des textes-outils de réflexions et de pilotage, bases, parmi d’autres, de construction d’un socle associatif commun.

L’atelier du Tamis est un blog scientifique hébergé sur la plateforme Hypotheses.org, qui propose à des institutions universitaires et de recherche de tenir des carnets de route de leurs activités. Nous avons créé cet outil en ligne pour y travailler notre langue, nos concepts, nos intertextualités et nos outils réflexifs, en y développant un fort ancrage dans les sciences humaines et sociales. En plus de ce lien organique avec le milieu scientifique, les rédacteurs de l’atelier du Tamis travaillent la forme autant que le fond en explorant des manières multimédia d’exprimer les savoirs et de forger les outils conceptuels de l’association.

Au-delà de ces activités de réflexion et de production d’outils associatifs, Le Tamis développe un catalogue d’ateliers qui sont autant d’interventions auprès de publics variés, notamment scolaires. Initiés aux savoir-faire combinés des arts et des sciences sociales, les participants sont invités à apprendre par l’expérience de l’enquête, à travailler et produire collectivement et à mettre le monde en récits. Premiers du nom, les ateliers d’initiation aux regards anthropologique et cinématographique, ont rassemblé des enfants de la métropole marseillaise autour d’une enquête à la découverte de l’initiative Yes we camp. Travaillée à travers le prisme de l’image, cette enquête en plusieurs volets a permis aux enfants de s’approprier certains codes de la narration visuelle et des méthodologies de travail en sciences sociales.

“L’âge des découvertes”, un atelier réalisé au sein du collège Victor Hugo de la ville de Chartres durant l’hiver 2015 a quant à lui proposé à des élèves de 5ème de construire une carte imaginaire de leur établissement à partir d’une enquête de terrain miniature, durant trois journées consécutives. Entre dessin d’observation  et représentation imaginaire, la fresque du collège s’est progressivement constituée à partir d’entretiens réalisés par des petits  groupes d’élèves  avec les différents habitants des lieux, adultes comme enfants, via une traduction en images orchestrée par Florent Grouazel, auteur de bandes dessinées. Cette enquête collective a permis de récolter différents points de vue sur le collège et de laisser place à la multitude des récits. Le montage visuel et sonore ci-dessous en retrace l’expérience :

Les ateliers conçus par le Tamis pour des publics extérieurs à l’association se fédèrent depuis cette année autour d’une thématique commune, sous l’impulsion du projet Correspondances. Correspondances, sous-titré « Objets et mémoires en circulation  », propose d’interroger notre rapport au mouvement, au voyage, aux identités multiples, à l’altérité et au vivre-ensemble. Le lancement du projet aura lieu le 2 octobre prochain par une performance exceptionnelle d’un des ateliers conçus dans le cadre du projet : TISS-ME.

Le Tamis entend développer et élargir son répertoire d’ateliers en concevant une plateforme multimédia en ligne répertoriant des feuilles de routes d’ateliers à la fois simples  à mettre en œuvre et riches de réflexions, visant à aiguiller la réalisation d’expérimentations combinant démarches scientifiques et artistiques. Il s’agit de proposer des outils appropriables par tout un chacun, avec ou sans l’aide des intervenants du Tamis, et suivant une grande thématique renouvelée tous les 2 ans. Ce vaste chantier est au cœur de nos réflexions actuelles et de nos projets futurs, aussi arrêtons là le dévoilement de l’avenir. Nous y reviendrons.

point d’ancrage lexical

Pourquoi faire cet usage pléthorique du mot “atelier” ? Qu’est-ce qui nous attire tant dans ce terme ? Sommes-nous des victimes insouciantes de cette novlangue décrite par Frank Lepage et contaminant l’univers associatif et culturel à coup de mot-valise impensés mais séduisants ? Que mettons-nous dans nos mots ? Que veulent-ils dire ? Que voulons nous dire ?  Cette réflexion sur le langage est capitale pour le Tamis et nous prenons soin de peser nos mots. Ils nous questionnent et nous les questionnons.

Devant le vertige provoqué par le doute et les questions en pagaille, la lecture d’un dictionnaire démodé, parfois un peu périmé, mais aussi drôle et très souvent lumineux, peut nous remettre d’aplomb. Rien de tel que la prose XIXème d’Émile Littré pour faire refleurir notre langue de semences anciennes mais robustes  et ainsi trouver un point d’ancrage :

«

atelier

(a-te-lié) s. m.

1. Lieu où travaillent un certain nombre d’ouvriers.

En le promenant d’atelier en atelier, [Rousseau, Ém. III]

Il se promène tous les jours dans ses ateliers, [La Bruyère, 11]

Tous les ouvriers d’un atelier. L’atelier demande une augmentation de salaire. Un chef d’atelier.

2. Lieu de travail d’un peintre, d’un sculpteur. Cet artiste ne se plaît que dans son atelier.

L’atelier, les élèves d’un artiste considérés collectivement.

Jour d’atelier, jour le plus propre à éclairer un tableau, une statue.

3. En termes de fortification, excavation de fossé.

Entendre bien l’atelier, être habile à conduire les travaux d’attaque et de défense d’une place.

4. Atelier du sculpteur, nom de petites constellations du ciel méridional.  »

Dans ce dictionnaire poussiéreux, qu’avons-nous sous les yeux ? L’essentiel des ingrédients qui font que nous aimons et que nous promouvons les ateliers : un savoureux mélange de travail et de créativité, entre artisanat et art ; un lieu habité par un collectif d’ouvriers et d’artistes, où l’on se plait surtout si l’on a été augmenté ; des temps choisis pour leurs vertus éclairantes ; une place où nous forgeons nos armes et nous apprenons à nous défendre ; et même une constellation méridionale, Apparatus Sculptoris, limitrophe de celle de la grue et du fourneau. Quoi de plus lumineux pour une association marseillaise ? Promenons-nous donc d’atelier en atelier, à la recherche de leurs correspondances !

Note pour plus tard : s’atteler à approfondir la question de la pédagogie. Ou encore celles de l’apprentissage et de la transmission, parce qu’elles s’accordent au diapason que nous nous sommes donné et à notre horizon d’horizontalité.