11 octobre 2016 - Sarah - Chroniques sur le guidon

POC 2016 : Le Tamis entre en jeu !

Le dimanche 2 octobre, dans le cadre des POC 2016, une douzaine de bénévoles au long cours et de volontaires de la dernière heure ont permis au grand jeu Tiss-me de prendre vie rue Consolat, à Marseille, entre la Casa Consolat et le Garage Imaginaire.

Tiss-me marquait l’ouverture des ateliers du Tamis qui propose cette année, dans le cadre du projet Correspondances, de chevaucher les imaginaires collectifs liés aux migrations. Chevaucher, c’est à dire explorer et expliciter collectivement les imaginaires sociaux contemporains et analyser les différentes formes d’interactions entre les savoirs et l’imaginaire mobilisés.

le départ

Après avoir amarré leur fil sur la ligne de départ, les passants étaient invités à partir…

green-thread

Qu’emporte-t-on quand on part en voyage ? Le choix de l’unique objet, de mémoire pour les uns, de circonstance pour les autres, a suscité une réflexion intense et concertée entre les enfants et leurs parents:

“De l’eau, parce que si on a de l’eau, on peut survivre longtemps.
Après, on meurt.”

“Des photos pour garder mon identité sur la route.
Même si on change son identité pendant un voyage,
c’est important de se souvenir de ses racines.”

“Une piqûre.
C’est mon quatrième voyage, je connais la route.
Je vais piquer les docteurs.”

La menace de piqûre des médecins ambulants a en effet capté l’attention des plus jeunes. Certains ont refait le parcours exprès, un nouvel objet en poche, leur permettant d’y échapper. Avant d’accéder à la ligne de l’Administration Volante Non-identifiée (AVNI), il a fallu réciter l’alphabet à l’envers, passer le contrôle de couleur du fil de laine, ramper, enjamber, démêler…

La tension, l'attention. Photo: Laura Spica.

La tension, l’attention.

Gardes-frontières. Photo: Sarah Toucas.

Gardes-frontières.

Unidentified Flying Administration (UFA). Photo: Alessandra Stefani.

Administration Volante Non Identifiée (AVNI)

Le tissage prend corps.

Qu’est-ce qui se trame?

Tiss-me évoque la route, la traversée des frontières, les contraintes et les rêves, qui poussent à voyager. Libre au joueur de contourner les règles et de les réinterpréter à sa guise.

En contrepoint mélodieux de l’aspect ludique évident, il s’agissait pour nous de réfléchir, par la performance, et de provoquer la rencontre des savoirs et des imaginaires.

En tissant la rue de fils de laine, au gré des passants, on matérialise le voyage, la relation espace-temps et la fabrication des structures. Au fur et à mesure des passages apparaissent les réseaux, les regroupements et les frontières. Aux frontières naturelles viennent s’ajouter les frontières sociales. Le paysage se dessine. S’agit-il de circuler librement ou de suivre un chemin ? L’Autre sauve-t-il, au passage ?

Ce jeu sans pions renvoie également les passants et les joueurs aux personnages clefs que l’on a pris l’habitude d’associer aux migrations : le garde-frontières, le policier, le médecin et l’administrateur. Leur déguisement, caricature parfois grossière, signale l’« anthropo-scène » migratoire, le passage d’une organisation sociale contrainte par les frontières naturelles à une diplomatie de la ségrégation, à laquelle chacun participe en jouant et rejouant son propre rôle. Ainsi, on construit des murs, à travers la plaine.

À la porte du Rêve doré, il faut se séparer de l’objet choisi au départ, matérialisé par un galet. Ici commence la collecte d’objets de restitution qui serviront de support et d’inspiration au Tamis pour la suite de ses Ateliers.

À la fois cocoon et cage, le rêve doré est dual. Il donne à voir le ligament, structure solide, extensible et pourtant déchirable, qui relie l’intériorité à l’extériorité. Le joueur y trouve sans doute un mélange de ce dont il a rêvé et d’autre chose. Nous y avons mis, par exemple, plus de mots bleus que de “choses dorées comme des Ferrero Rochers” (l’imaginaire d’un gourmand?). Tiss-me effleure ainsi, de manière détournée, la notion d’assemblages identitaires et linguistiques, de métissages.

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Le Rêve doré.

Le rêve doré. Photo: Laura Spica.

À l’intérieur du Rêve doré.

À l'intérieur du Rêve doré. Photo: Alessandra Stefani.

À l’intérieur du Rêve doré.

Bilan du voyage

“Tumultueux. Ça a été compliqué, la mer était agitée,
on s’est fait aborder par des pirates…
On a beaucoup, beaucoup attendu… beaucoup attendu !”

“Extrêmement bien. Extrêmement rapide… tout comme je m’attendais.”

“Génial ! Y’a pas mal de gens qui m’embêtent, mais ça va…
ça me fait penser à Jimmy Hendrix.”

“Je m’attendais à plus de rencontres,
mais j’imagine que toutes ces traces sur la route,
c’étaient des gens avant moi, et c’est assez entraînant.”

Deux heures durant, près de quarante joueurs ont vaillamment tissé la trame de laine sur le canevas de l’attente, des contrôles de police et des médecins ambulants. Au gré de leur périple vers le Rêve doré, il se sont pris les pieds, la tête, le corps tout entier dans le tissage multicolore qui ployait et se déployait dans la lumière dorée du soleil couchant. On n’aurait pas pu rêver mieux pour le lancement de nos ateliers !

Le Tamis adresse un immense MERCI à tous les acteurs et confectionneurs pour leur invesTISSeMEnt sans retenue et leur générosité !

Nous remercions chaleureusement l’équipe du café associatif Manifesten, qui nous a ouvert ses portes pendant un mois pour la préparation du jeu, ainsi que la Casa Consolat et le Garage imaginaire, qui nous ont offert un espace de jeu !

Images : Alessandra Stefani, Laura Spica, Sarah Toucas